Texte d'ALMA Paris "Etre écouté et entendu"
Être écouté, être entendu
Alma
Paris a comme mission principale d’être un soutien moral voire psychologique
pour toutes les personnes âgées ou majeures handicapées, maltraitées ou qui
se sentent maltraitées. Au-delà de ce soutien, la mission d’Alma Paris est de
répondre à la sollicitation de ces personnes, victimes ou témoins de
maltraitance, mais de toute façon en souffrance. La fragilité de ces
personnes est un véritable appel qui fonde la sollicitude
des
écoutants comme estime de soi, “mais aussi comme souci de l’Autre” 1.
Cet appel passe
par l’écoute, le plus souvent téléphonique, mais aussi par la boîte aux
lettres postale ou électronique. Lorsqu’on parle d’écoute, il semble évident
que chacun sait de quoi il s‘agit. Or, dans la pratique quotidienne, les écoutants
bénévoles retraités ou en activité, forts de leurs connaissances
professionnelles, de leur formation et de leurs expériences se posent encore
de nombreuses questions. C’est pour cela, qu’en cette fin d’année, alors que
nous sommes en train de faire le bilan, il nous a semblé important de mettre
nos réflexions par écrit autour de ce thème : qu’est-ce que l’écoute ?
Pour une
association comme la nôtre, écouter c’est tout d’abord un moyen d’accueillir
la parole de l’Autre, de l’appelant qu’on ne voit pas, que l’on ne connaît
pas, qui a mis un certain temps pour se décider à nous interpeller,
quelquefois en dernier recours. Lors de ce tout premier contact avec la
personne, nous mettons en place les conditions pour qu’elle sente que notre
attention lui est acquise, qu’elle est une personne importante, que nous sommes
là pour la soutenir et l’accompagner. L’accompagner au sens étymologique, «
c’est-à-dire partager ses interrogations, sa demande dans un but qu’elle seule
choisira ».
Être écouté
est bien souvent un besoin de la vie quotidienne pour la personne qui fait
appel à nous.
1 PourresterdansunerhétoriqueRicoeurienne.
Le téléphone,
moyen de contact immédiat, abolit le temps et l’espace. Il répond aux besoins
d’instantanéité de l’appelant. L’écoute est un instrument qui va créer du
lien. En effet, un sentiment de désorientation, voire de solitude, s’exprime
de façon explicite ou implicite lors des appels que nous recevons. Nous
devenons alors un point d’appui, un levier qui va donner force et confiance à
cette personne. L’écoute s’inscrit dans un double mouvement : proximité et
distanciation. L’écoutant est anonyme, sans étiquette ce qui libère
l’expression de l’appelant, développant ainsi une fonction de catharsis.
L’écoutant est aussi catalyseur et déclencheur pour aider l’Autre à faire
les pas nécessaires pour comprendre et sortir de sa situation. L’anonymat et
l’absence de visu laisse une place accrue à l’imaginaire, à la libération de
la parole de l’appelant et de l’écoutant. Ce contexte laisse le pas à
l’affectivité et c’est en travaillant sur ce contexte que se crée une
résolution des tensions.
Très souvent,
les appelants, très spontanément nous témoignent leur gratitude « pour être
là », Ils nous remercient pour notre bienveillance, notre compréhension et le
temps que nous leur consacrons pour écouter leurs difficultés. Ils se sentent
soulagés d’entendre une autre parole que la leur qui tourne en rond et qui les
empêche de s’entendre !
4 | RAPPORT D'ACTIVITÉ 2019
Notre écoute leur permet d’être
entendus, notre parole leur permet de ne plus penser en rond.
Ce lien
d’écoute sert comme point de départ pour créer un réseau, où la personne
prend conscience qu’elle n’est pas seule, qu’elle peut s’autoriser à
communiquer sa souffrance, demander de l’aide à d’autres personnes de son
entourage, que ce soit des proches ou des professionnels. Nous pouvons
témoigner de situations où l’entourage amical des voisins a favorisé la
sortie de situation de maltraitance en améliorant la communication
interpersonnelle entre les personnes impliquées dans le conflit et ainsi
régler la situation.
LES
SITUATIONS SONT MULTIPLES :
Certains
appelants ont besoin de temps pour changer de point de vue, de positionnement.
En signalant la maltraitance dont ils sont victimes ou témoins, ils permettent
qu’on puisse aider le ou la mise en cause.
Pour d’autres,
auteurs d’actes de négligence ou d’abus, il faudra leur permettre une prise de
conscience en sensibilisant et informant : en assurant une médiation.
Parfois nous
assistons aux conséquences d’une longue histoire familiale faite de tensions,
de mésententes accumulées, de rancœur qui se manifestent sous forme de
maltraitance sur la personne devenue plus faible donc vulnérable par le
contexte vécu.
Nous sommes amenés à conseiller des personnes ignorant les pathologies liées à l’âge ou au handicap, méconnaissant les bonnes pratiques ou souffrant d’épuisement physique ou moral en tant qu’aidants : familles, institutions, services d’aide à domicile.
En questionnant
l’appelant, l’écoute est aussi un moyen de le préparer à la rencontre qu’il
va avoir avec les services publics sur lesquels nous les orienterons. La
pluralité des diverses connaissances des écoutants permet d’une part de
rassurer les appelants sur nos compétences et d’autre part les rend confiants
pour aborder les entretiens avec sérénité. C’est grâce à la capacité
maïeutique de l’écoutant (capacité de poser les questions pertinentes
destinées à faire exprimer un savoir “caché en soi” à son interlocuteur),
que l’appelant nous fera part du contexte dans lequel il se débat. C’est en
prenant conscience des différents éléments du contexte que l’appelant pourra
trouver des clés pour résoudre la situation.
Alma ne se
substitue pas aux services administratifs, sociaux, médicaux et juridiques,
mais il est un partenaire de la prévention ainsi qu’un continuateur de ces
services. Certains appelants fragilisés et demandeurs d’une grande attention
ont épuisé de multiples services, et ne trouvant plus de réponse,
s’adressent à Alma. Un temps d’écoute spécifique et non limité dans le
temps leur est proposé avec comme unique objectif d’apaiser leur souffrance.
Ainsi, ils sont non seulement écoutés,
mais ils se sentent aussi entendus.
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