Le 3977, un numéro pour signaler les maltraitances sur personnes vulnérables

 

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Droits, démarches

Le 3977, un numéro pour signaler les maltraitances sur personnes vulnérables

mis en ligne le : 22/12/2022 09:00

D'après l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), moins de 5 % des maltraitances touchant des adultes vulnérables (âgés ou handicapés) feraient l'objet d'une alerte. En France, une plateforme téléphonique recueille les signalements de toute personne victime ou témoin de tels actes : le 3977. Comment fonctionne-t-elle ? Quelles sont les suites données aux appels ?

Définie dans la loi depuis février 2022, la maltraitance des personnes vulnérables peut prendre de multiples formes : physique, psychologique, sexuelle, matérielle, financière… Elle peut aussi résulter d’une atteinte aux droits, d’inattention, de négligence ou d’un défaut de soins. Sont ainsi considérés comme des maltraitances, les violences mais aussi l’enfermement, l’accaparement des revenus de la personne, la restriction de ses libertés ou le non-respect de ses choix, l’escroquerie…

Le 3977, un numéro gratuit et confidentiel

Comme pour l’enfance en danger (119) ou les femmes victimes de violences (3919), il existe un numéro court pour signaler les actes de maltraitance commis sur des personnes âgées malades ou dépendantes, ou des adultes en situation de handicap : le 3977. Cette plateforme nationale, gratuite et accessible aux personnes sourdes et malentendantes, est ouverte aux victimes comme aux témoins, y compris les professionnels. Elle fonctionne du lundi au dimanche, de 9h à 19h (avec une suspension entre 13h et 14h le week-end).

L’appel est confidentiel, et n’apparaît pas sur les relevés de téléphone. « L’appelant peut aussi rester anonyme, indique Pierre Czernichow, le président de la Fédération 3977, qui gère la plateforme. Ce n’est pas le plus commode, mais il s’agit de nouer un lien de confiance. » En effet, la démarche est souvent difficile à entreprendre, entre honte, peur des représailles ou encore ambivalence vis-à-vis de l’auteur, quand il s’agit d’un proche ou d’un collègue.

Un accompagnement au plus près des situations

Après avoir recueilli les premières informations, la plateforme transmet chaque alerte au centre le plus proche du lieu de résidence de la victime, avec l’accord de l’appelant. Ces 50 centres départementaux ou inter-départementaux, portés par des associations de bénévoles, couvrent 74 départements de métropole et d’Outre-Mer, ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce sont eux qui poursuivent l’écoute et assurent le suivi des situations. « Lorsqu’il n’y a pas de centre, nous proposons généralement un partenariat avec le conseil départemental », précise Pierre Czernichow.

En 2021, sur les 38 000 appels reçus (dont des erreurs de numéro, de simples demandes d’information…), 9 000 ont été transmis aux centres départementaux. Seule exception : les urgences menaçant la sécurité ou la santé de la personne vulnérable, immédiatement réorientées vers la police, la gendarmerie ou le Samu.

Des maltraitances aux formes multiples

Les situations rapportées sont extrêmement variées. « On voit par exemple des aidants tellement épuisés qu’ils en deviennent tyranniques, raconte Laure Bourcy, psychologue et coordinatrice de l’association Allô Maltraitance (Alma) 38, qui porte le dispositif dans l’Isère. Ou bien des adultes qui abusent du parent âgé qui les héberge en vidant les comptes bancaires, en lui imposant des restrictions… »

En établissement, les maltraitances sont souvent qualifiées d’institutionnelles, c’est-à-dire liées au fonctionnement dégradé de la structure. Bien que rares, il existe aussi toutefois des actes délibérés, comme ces professionnels d’un foyer pour adultes handicapés « qui s’échangeaient des images d’une résidente captées à son insu », rapporte Bernard Poch, président d’Alma 40.

Des bénévoles spécialisés

Une fois le dossier ouvert, les bénévoles du centre départemental reprennent contact avec l’appelant. « Parfois, le simple fait d’avoir pu exposer leur problème suffit pour que les personnes trouvent elles-mêmes une solution », observe Bernard Crozat, le président d’Alma 38. Dans le cas contraire, de nouveaux échanges permettent de compléter la description de la situation, d’en affiner la compréhension et d’envisager des actions.

Les bénévoles interviennent toujours en binôme et partagent leur analyse en équipe, précise Laure Bourcy : « Tous nos bénévoles sont formés à l’écoute, à la connaissance de l’environnement des victimes, mais certains tirent des compétences supplémentaires de leur expérience professionnelle : anciens médecins, infirmiers, magistrats, directeurs d’établissements… » Des profils qui disposent en outre d’un réseau utile pour trouver des informations ou des appuis (institutions, établissements sanitaires et sociaux, gestionnaires de structures, associations spécialisées, professionnels de santé ou du travail social…).

Un rôle d’intermédiaire

En pratique, l’accompagnement se déroule exclusivement par téléphone ou par écrit, sans contact direct ni intervention sur le terrain. « Ce n’est pas notre rôle et nous n’en avons pas la légitimité, explique Bernard Poch. Nous jouons plutôt un rôle d’intermédiaire, de conciliateur. »

L’équipe propose à l’appelant, qu’il soit victime ou témoin, des actions appropriées : renouer le dialogue avec l’encadrement ou la direction d’un établissement, envisager un placement sous tutelle ou curatelle, faire appel au médecin traitant, solliciter un travailleur social… « Quand les personnes disent qu’elles agissent sur les conseils du 3977 ou d’un centre Alma, généralement leurs interlocuteurs sont plus attentifs, remarque Bernard Crozat. Et si le blocage persiste, nous pouvons prendre le relais, mais toujours avec l’accord de l’appelant. »

Des alertes en forte hausse

Compte tenu de leur complexité (situations anciennes et envenimées, combinaison de plusieurs formes de maltraitance…), l’accompagnement peut durer plusieurs mois. Mais lorsque les actions sont mises en œuvre, l’issue est souvent favorable.

Reste qu’en 2022 le nombre de signalements a connu une hausse importante, en particulier pour des faits survenus en établissements. D’abord stimulé par la médiatisation de l’affaire Orpéa (+ 24 % au premier semestre), le phénomène s’est maintenu au fil des mois. Signe, selon la Fédération 3977, que des efforts importants restent à faire en matière de détection précoce, de prévention et de traitement de ces situations. 

  • CLÉMENCE DELLANGNOL
  • CRÉDIT PHOTO : GETTY IMAGES

 

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